Retour sur la marche des mutilé.e.s pour l’exemple à Toulouse

[Précisions des camarades du S : Nous avons relayé ce retour critique sur la marche des mutilés pour l’exemple parce qu’il permet de faire état d’une initiative de soutien à destination des blessés des mouvements et qu’il s’inscrit dans un débat nécessaire sur la manière dont nous pouvons nous défendre, y compris publiquement, contre la répression. Contrairement à une accusation qui a été portée contre ce texte, il est clair, à sa lecture, qu’il ne s’agit pas de « salir » le collectif des mutilés pour l’exemple, mais de refuser de faire de l’innocentisme une stratégie de défense acceptable face à la répression. Nous publierons une réponse du collectif si ce dernier pense nécessaire de réagir à ce texte. Bonne lecture.]


Ce dimanche 09/04/2023 s’est tenu à Toulouse une marche des mutilé.e.s pour l’exemple. Loin des propos qui s’y sont effectivement tenus en début de rassemblement ; la marche avait pour thématique l’enfer de la procédure judiciaire que certain.es du collectif ont entrepris. Mais lors des prises de parole, l’angle judiciaire de la manif s’est transformé en festival de la dissociation politique entre les bons et les mauvais.e.s manifestant.e.s

Quand j’ai appris la tenue de cette marche c’était lors d’un prise de parole faite pour appeler à y venir lors de l’Assemblée Autonome du mardi précédent la manifestation. Il y avait été précisé que l’organisation de la manifestation avait déclaré en préfecture le parcours et était très « dans les clous » afin d’éviter de réactiver des traumas chez les participant.e.s qui ne seraient pas venu.e.s sans cette garantie de « sécurité », sensée prévenir toute agression des forces de l’ordre. Pas de soucis là dessus ça semble compréhensible. Combien d’entre nous, les forces vives des mouvements sociaux, après avoir reçu des blessures physiques ou psychiques n’ont pas pu remettre les pieds en manif pendant des mois ou des années ?

J’ai réservé la plage horaire dans mon agenda afin de participer à cette manifestation, pour soutenir celles et ceux qui ne peuvent plus subir ce genre d’ambiance, conscient que ça n’allait pas être un moment de confrontation avec le pouvoir.

Lors du rassemblement qui a précédé la marche, plusieurs prises de paroles ont eues lieu, et leur teneur a fait vraiment très mal aux oreilles : de la dissociation politique pure et simple. Il a été dit en substance que on a bien vu que les mutilé.e.s n’étaient pas des « casseurs », que tous et toutes les blessé.e.s sont « innocent.e.s », et tout un tas d’horreur dans ce genre là. Il a aussi été bien appuyé qu’on était pas là pour casser, ni pour provoquer la police et qu’il ne fallait pas se masquer pendant la manif qui allait suivre.
J’imagine, l’idée était plus de se recréer une légitimité en tant que sujets politiques aux yeux du pouvoir, que d’enfoncer celleux qui usent de pratiques illégales. Mais hélas, entre ce qu’on veut et ce qu’on fait il y a parfois le terrible gouffre de la réalité. Et désolé d’apprendre aux personnes qui ont pris la parole qu’on ne peut pas être légitimes aux yeux de l’état sans se démarquer – donc enfoncer – les jugé.e.s coupables des tribunaux.
Pendant ces prises de paroles, a été décrit un monde qui n’a pas de rapport avec celui dans lequel nous évoluons. La police pourrait être désarmée et morale. L’Etat pourrait reconnaître et dédomager les victimes. « Casseurs », « coupables » d’actes illégaux, n’étaient pas inclus dans le discours des organisateurs.

Malheureusement, ce monde décrit – où il ne faut pas se masquer pour ne pas provoquer la police – est aussi un monde imaginé par les keufs et la justice ; qui ne supportent pas des gens non identifiable et ont prévu un arsenal répressif pour chaque « dissimulation ».
Rappelons l’essentiel : se masquer en manifestation est un acte d’auto préservation individuel et collectif, même si on n’a pas prévu de participer à une émeute. Les keufs fichent, enregistrent et ustilisent toute les informations qu’on leur donne, à commencer par la premiere, se rendre dans une manifestation. Généraliser la pratique de se masquer, même, et surtout, dans des espaces où on n’a pas prévu de se confronter avec l’Etat contribue à se fabriquer un rempart face à la répression.

Qu’en est il des reconnus coupables d’actes illégaux pour le collectif des Mutilé.e.s pour l’exemple ?

Ce qui a été exprimé lors des interventions du rassemblement est que « l’innocence » des mutilé.e.s est un argument supplémentaire pour décrire l’injustice de leur répression.
Faut il effectuer un tri des blessé.e.s en fonction de leur position dans un cortège ? Car oui l’actualité est PLUS QUE BRULANTE sur le sujet des blessé.e.s des mouvements sociaux ; et actuellement il y a un camarade qui est encore dans le comas à cause d’un batard de condé qui aurait mieux fait de se suicider le matin du 25 mars 2023 au lieu d’enfiler son uniforme.
De nombreux articles de presse ont étés produits pour légitimer son état physique : fiché S, participant à la très décriée tactique du black bloc etc. Le même discours a été entendu dans la manifestation des mutilé.e.s pour l’exemple le 9 avril, et c’est insupportable.
Des dizaines de personnes ont perdu totalement ou en partie un membre, sont défigurées, ont des morceaux de grenades dans leur corps. A Sainte Soline les médics ont dénombré 400 blessé.e.s . Avec la logique comptable du bon et du mauvais manifestant en fonction de son pacifisme, combien méritent leur blessures ? C’est une logique mortifère, et elle ne sert qu’à renforcer l’État sur ses positions. Les mutilé.e.s ne sont pas défendu par le tri des vraies et fausses victimes.

Le discours innocentiste n’a défendu personne, mais a quand même trouvé le moyen d’en enfoncer d’autres.

Que des blessées, dans la gestion de leur trauma et leur quête de reconnaissance, ou bien de quoi que ce soit d’autre, aillent porter en justice leur énergie afin de tenter de faire pencher la balance en leur faveur n’est pas l’objet de ma critique. On fais tous et toutes comme on peut, avec le peu d’armes qu’on a. Mais il faut voir COMMENT on le fait, avec quels arguments. Certainement pas avec des arguments qui valorisent certains blessés en se basant sur le fait que « ils ont rien fait » ou encore « manifestaient pacifiquement », car ça enfonce de facto celleux qui ne se retrouvent pas dans cette case.

Camarades blessé.e.s : vous avez tout mon soutien, même dans un tribunal ou vous êtes l’accusation. Le propos de cette critique est ailleurs. Ne vous soumettez pas à l’autoritarisme des mal nommés « consensus non violents ». Ne faites pas de différence entre les blessé.e.s, ni entre les réprimé.e.s, ou encore les enfermé.e.s.
Mais cela suppose que dans votre argumentaire, vous ne mettiez pas en avant les conditions sociales avantageuses, ou le manque de radicalité de tel ou tel comportement pour rendre injustifiable les actes de la police. Leurs actes sont par essence l’horreur et la contrainte ; n’allons pas chercher ailleurs une responsabilité qui ne pèse que sur leurs épaules. Ce qui ne veut pas dire de ne pas vous défendre d’actes qui vous sont reprochés, hein, c’est deux choses différentes.

 

La répression n’existe que par l’État et les structures qui la produisent.

Si nous ne sommes pas solidaires entre nous, ce combat n’aboutira que pour les gens les mieux dotés socialement. Et les autres iront, comme toujours, se faire foutre. Peu importe le discours tenu, la preuve par l’enterrement judiciaire des affaires Rémi Fraisse, Zieb et Bouna, Steve Maia Caniço, Zineb Redouane, Adama, Babacar etc. La docilité et la soumission, même lorsqu’elles sont utilisées, ne sont pas récompensées. Donc maintenant, s’il vous plait, dans vos discours, ne parlez plus des manifestants pacifiques, ne parlez pas des non coupables. Si la volonté est de faire un front avec tous et toutes les mutilées, il n’y a qu’un seul discours possible : il n’y a pas de bon ni de mauvais manifestant.e. Nous ne sommes ni coupable ni innocent.e.s. Nous sommes agressé.e.s par un Etat qui tue et mutile pour maintenir sa domination. Nous nous défendrons, tous et toutes ensemble, avec toutes les armes dont nous disposons actuellement, et celles que nous nous créerons à l’avenir.

 

Autodéfense populaire, organisation horizontale de classe. Nique l’état, les flics, et encore les flics.

P.-S.

D’ailleurs, les lecteurices de l’article, les mutilé.e.s et leur proches ont besoin de thune ; hesitez pas à leur en filer ;
cagnotte pour les proches de Serge
cagnotte pour micka
cagnotte du collectif des mutilé.e.s pour l’exemple

ou tout autre chose que vous trouvez dans la liste du lien ci dessous.
https://www.lesmutilespourlexemple.fr/nos-besoins/